• Les différents quartiers et l'extension de la ville de Paris

    Quand la ville gallo-romaine de Lutèce s'établit sur l'île de la Cité à l'aube du Ier siècle de notre ère, elle fait de la Seine la source de sa protection et de sa richesse. La Seine est sa première route et il a fallu la maitriser et contrôler son franchissement.

    Comme  toutes les villes fondées par Rome, Lutèce a grandi autour d'un axe principal, le cardo maximus romain, la voie principale de la ville, actuellement la rue de la Cité, l'axe nord-sud qui reliait d'abord l'Ile de la Cité aux deux rives du fleuves.
    Vers la rive gauche au sud, par le "Petit-Pont" au dessus du bras de Seine le moins large, qui se prolonge par la rue Saint-Jacques qui monte vers la colline Sainte-Geneviève puis menait à la cité de Cenabum (Orléans).
    Vers la rive droite au nord, le cardo maximus franchit la Seine par le "Grand Pont"  (Pont Notre-Dame) et se prolonge par la rue Saint Martin, puis mène à la cité de Durocortorum (Reims).

    La cité gallo-romaine se développe d'abord en rive gauche selon un plan orthogonal autour d'un forum situé à la croisée du cardo et du decumanus que l'on peut situer actuellement au niveau de la rue Soufflot. On y trouve trois établissements thermaux, un théâtre, un amphithéâtre (les arènes).

    Les différents quartiers et l'extension de la ville de Paris

    Plan de Lutèce gallo-romaine (M. Huard, Atlas historique de Paris)



    Au IVème siècle, l'empereur Julien établit son Palais dans l'Ile de la Cité, qu'il fortifie, la rive gauche est peu à peu abandonnée(1).

    Durant les invasions venues de l'est, la ville se restreint à l'ile de la Cité qui n'est pas prise par les Huns grâce à l'intervention de Ste-Geneviève.


    A l'époque mérovingienne, Clovis fait de Paris sa capitale en 508. Deux grandes abbayes richement dotées en terres, St-Germain-des-prés et Ste-Geneviève, sont fondées par Clovis et ses successeurs. De nombreuses églises sont édifiées durant les VIème et VIIème siècles, dans la Cité, en rive droite (St Germain l'Auxerrois, St-Merri, St-Paul-des-Champs, St-Gervais..) et en rive gauche au milieu des vignes et des cultures le long de voies romaines.

    A partir de 751, les Carolingiens délaisseront Paris comme capitale au profit d'Aix-la-Chapelle, le pouvoir y sera exercé par l'Evêque et le Comte de Paris.

    Au VIIIème siècle des enclos de cultures se forment sur la rive gauche, signe d'une certaine désurbanisation : clos de Garlande, clos Bruneau, clos du Chardonnet, clos de Laas, clos des Jacobins, clos aux Bourgeois...

    La ville active, artisanale et commerçante, se réduit à l'île de la Cité, protégée par le rempart du Bas-Empire et à deux faubourgs sur la rive droite, autour de Saint-Germain-l'Auxerrois et entre Saint-Merri et Saint-Gervais où les constructions s'étendent en particulier autour de la place de Grève, à  la fois port et marché.

    Le IXe siècle est marqué par une série d'attaques successives d'envahisseurs normands qui pillent les faubourgs sur les deux rives et incendient églises et abbayes. A la fin du siècle, des enceintes sont édifiées sur la rive droite pour protéger les paroisses de Saint-Gervais et de Saint-Germain-l'Auxerrois.   

    Au Xème siècle, une fois les Normands fixés en Normandie (911, traité de St. Clair-sur-Epte) et surtout après l’installation des Capétiens (Hugues Capet 987-996), la ville connait un nouveau développement : deux bourgs se développent autour des églises Saint-Gervais et Saint-Germain-l’Auxerrois. Ces petites agglomérations qui vivent du trafic fluvial et du commerce ont sans doute très tôt été protégées par des enceintes faites d’un talus portant une palissade en bois et, extérieurement, d’un fossé.

    C'est le roi Carolingien Lothaire qui vers l'an 954 divisa le Paris médiéval en 4 parties: le quartier de la Cité, et trois quartiers en rive droite, de Sainte-Opportune, de la Verrerie, de la Grève.

    La Cité se couvre d’églises dans un dédale de petites ruelles, les grandes abbayes périphériques sont reconstruites (Saint-Germain-des-Près, Saint-Martin-des-Champs), Saint-Germain-des-Près et Sainte-Geneviève deviennent des centres d’enseignement et de culture qui commencent à faire la réputation de Paris.


    Au XIème siècle, la ville est devenue la capitale des Capétiens, et s’étend en rive droite autour de la place de Grève, vers le nord (autour de l’église Saint-Merri) et vers la rue Saint-Denis et le débouché du Grand Pont où se concentrent les activités artisanales et commerciales. Une nouvelle enceinte devient nécessaire.

    Les différents quartiers et l'extension de la ville de Paris

    Plan de Paris du Xe et XIe siècles (M Huard, Atlas historique de Paris)

     

    En 1137, en remplacement du marché de la place de Grève, un marché neuf est créé aux Champeaux, l'origine des Halles.

    Une communauté juive est installée au centre de la Cité, rue de la Juiverie (1) à côté de la synagogue et de la halle au blé.

    Une bourgeoisie urbaine apparaît comme force politique à côté du roi, de l’évêque, des abbés et, à un moindre degré, des seigneurs féodaux. La corporation des « marchands de l’eau » obtient du roi le contrôle du trafic fluvial et des ports.


    L'enceinte du siècle précédent qui reliait les bourgs de Saint-Germain-l'Auxerrois et de Saint-Gervais est débordée par l'extension de la ville. Sur la rive gauche, dans les clos Bruneau et Garlande, la vigne est arrachée pour y construire des maisons ; vers Saint-Germain-des Prés, la ville s’étend entre la rue de la Harpe et la rue Hautefeuille sur le clos de Laas. L’abbaye de Saint-Victor entraîne le développement d’un bourg et la construction d’une chapelle et d’une paroisse, Saint-Nicolas-du Chardonnet.


    Les grandes abbayes (Saint-Germain-des-Prés, Sainte-Geneviève, Saint-Martin-des-Champs puis Saint-Victor) deviennent des centres économiques et intellectuels importants et génèrent la création de bourgs qui nécessitent de construire des églises pour leurs habitants (Saint-Sulpice, Saint-Etienne-du-Mont, Saint-Nicolas-des- Champs).

    C'est en 1160 que Maurice de Sully, Evêque de Paris, décide de la reconstruction de Notre-Dame.

    Au XIIe et XIIIe siècle, sous les règnes de Philippe Auguste (1180-1223), Saint Louis (1226-1270), Philippe III (1270-1285) et Philippe-IV-le-Bel (1285-1314), tout au long du «Beau Moyen Age», Paris connait un développement très important. Sa population quadruple.


    A partir de 1190, une enceinte est construite par Philippe Auguste avant sont départ pour les Croisades, afin de protéger la ville en  expansion des attaques Anglo-Normandes, en particulier sur la rive droite autour des Halles que le roi a réorganisés.

     

     Les différents quartiers et l'extension de la ville de Paris

     Plan de Paris et enceinte de Philippe Auguste (M Huard, Atlas historique de Paris)

     

    Le mur d’enceinte faisait 8 à 10 m de hauteur, était flanqué de tours cylindriques tous les 60 mètres en moyenne, les portes au débouché des grands axes de circulation étaient protégées par deux tours de 18 m de haut.

    A l’ouest, le donjon du Louvre, 18 m de diamètre à la base, 30 m de haut, entouré d’un fossé sec et d’une enceinte carrée fait face à la menace anglo-normande.

    L’université se développe sur la rive gauche et accueille des étudiants venus de toute l’Europe  faisant de Paris le grand centre intellectuel de l’occident médiéval.


    Les grands monastères des Chartreux, des Carmes, Grands Augustins, sont créés en périphérie de la ville, et le Temple se développe sur une vaste emprise au nord de Paris. Saint Louis crée l'hôpital des Quinze-Vingts.

    Les hôtels de la noblesse, des évêques et des grandes abbayes provinciales se situent, sur les deux rives, à proximité du Louvre et de l’abbaye de Saint-Germain-des-Près .

    A l'intérieur des murailles quatre nouveaux quartiers s'ajoutent aux quatre premiers des Carolingiens, avec de large étendues de vignes, de marais (2), de terres labourables.

    1. Q de la Cité
    2. Q Ste-Opportune
    3. Q de la Verrerie
    4. Q de la Grève
    5. Q St-Jacques de la Boucherie
    6. Q St-Germain l'Auxerrois
    7. Q St-André-des-Arcs  (rive gauche à l'ouest du "Cardo)
    8. Q de la place Maubert (rive gauche à l'est du "Cardo"))


    Un siècle plus tard, sous Philippe-le-Bel (1285-1314) la ville déborde largement de l’enceinte de Philippe Auguste, en particulier vers le nord; des lotissements ont été créés sur les terres des Templiers (autour de la rue Vieille-du-Temple) et de Saint-Martin-des-Champs (entre la rue Saint-Martin et la rue Beaubourg) ou, sur la rive gauche, vers Saint-Victor.

    Au XIVème siècle, vers 1330, la ville atteindra un maximum de population (240 000 habitants), peu avant le début de la guerre de Cent Ans (1337).

    L'épidémie de Peste Noire (1348-1350) entrainera la disparition d'un tiers de la population.

    Après la révolte des parisiens menées par le prévôt des marchands Etienne Marcel (1358), le roi Charles V rétablit l'autorité royale et fait construire une nouvelle enceinte en rive droite englobant les nouvelles constructions et huit nouveaux quartiers:

    1. Q. St-Honoré à l'ouest,
    2. Q. St-Eustache
    3. Q. des Halles
    4. Q. St-Denis
    5. Q. St-Martin
    6. Q. St-Avoye
    7. Q. St-Antoine
    8. Q. St-Gervais

     

    Les différents quartiers et l'extension de la ville de Paris

    Plan des quartiers de Paris et de l'enceinte de Charles V, fin du XIVe s. (M. Huard, Atlas historique de Paris)

     

    L'enceinte de Charles V est large de 80 à 90 mètres,  il s'agit d'un large fossé en eau et d'une importante levée de terre fortifiée d'un rempart de 4 mètres renforcé de tours. En rive gauche, l'enceinte de Philippe-le-Bel est conservée et renforcée.

    La nouvelle enceinte nord ne comporte que six portes fortifiées:

    1. A l'est la porte St-Antoine est protégée par le  Chastel St-Antoine (la Bastille).
    2. La porte du Temple
    3. La porte St-Martin
    4. La porte St-Denis
    5. La porte Montmartre
    6. La porte St-Honoré à l'ouest, devant les "Quinze-Vingt"

     

    Les différents quartiers et l'extension de la ville de Paris

    Porte St-Antoine et La Bastille sur le plan de Truschet et Hoyau (1550)

     Télécharger Plan de Paris de Truschet et Hoyau 1550

           Charles V  acquiert tous les terrains entre les rues Saint-Paul, Saint-Antoine, du petit Musc et la Seine, ce qui deviendra ensuite "le Marais". Il y fait construire une résidence royale d'agrément, l’hôtel Saint-Pol, proche toutefois de la Bastille et bientôt suivi par plusieurs hôtels aristocratiques : hôtels d’Orléans, d'Albret, des Tournelles, de Clisson...

    Le Paris du XVème siècle est quasiment sans changement, si ce n'est que la ville est occupée par les Anglais de 1420 à 1436. Dès le retour de la paix en 1475, le développement économique et démographique  se poursuit jusqu’aux guerres de Religion.


    L'augmentation de la population se traduit par la construction ou l’agrandissement des églises paroissiales : Saint-Eustache, Saint-Etienne-du-Mont, Saint-Gervais, Saint-Merri, Saint-Germain-l'Auxerrois.


    Au XVIème siècle, en 1528, François Ier fixe sa résidence principale à Paris et s’installe au Louvre dont il fait raser le donjon. La reconstruction du palais du Louvre en style Renaissance par Pierre Lescot ne sera engagée qu’à la fin de son règne et poursuivie par Henri IV.
    L’installation du roi au Louvre entraîne la densification du quartier du Louvre et la construction d’hôtels aristocratiques, ainsi que celle du palais des Tuileries pour Catherine de Médicis à partir de 1564. En 1543, François Ier avait fait lotir l'ancien Hotel St-Pol.


    Du milieu du XVIe siècle à 1635 est construite une nouvelle enceinte bastionnée dite des «fossés jaunes», à cause semble-t-il de la couleur des terres à remuer. Partant de la future place de la Concorde et rejoignant l’enceinte de Charles V porte Saint-Denis, elle protège les Tuileries et les extensions de Paris vers l’ouest. Au nord et à l’est des bastions viennent renforcer le mur de Charles V.

    Le XVIIème siècle.

    En 1594, Henri IV entre dans une ville qui présente encore un aspect très largement médiéval de ville close, aux ponts couverts de maisons, sans espaces publics majeurs ordonnancés selon les principes de la Renaissance dont l’architecture ne concerne encore que quelques bâtiments publics ou privés.

    La croissance de la ville sera particulièrement forte de 1600 à 1682 (l’installation de la Cour à Versailles) grâce aux courtisans et d'une certaine prospérité qui attire les provinciaux.

    Dès son arrivée au pouvoir,  Henri IV multiplie les initiatives: un édit oblige les propriétaires de terrains libres à construire, décision de construire la place Royale (place des Vosges) en 1605, de la place et rue Dauphine en 1609, construction de la grande galerie du Louvre le reliant aux Tuileries.

    Après la période de la Régence de sa mère Marie de Médicis (1610-1617), le jeune Louis XIII  poursuit la modernisation de Paris:

    • L'ile Notre-Dame (l'ile St-Louis) est lotie,
    • Richelieu fait construire le Palais Cardinal (le Palais Royal) de 1625 à 1639, avec un très vaste jardin qu’il entoure d’immeubles de rapport desservis par les rues de Richelieu, des Petits-Champs et des Bons-Enfants. 
    • le quartier Richelieu est loti, entre les anciens remparts et les fossés jaunes.
    • lotissement du pré aux clercs (futur faubourg St-Germain)
    • lotissement dans le Marais du Temple

               

    Les différents quartiers et l'extension de la ville de Paris

    Plan de Paris rive droite entre 1600 et 1700 (M. Huard, Atlas historique de Paris)

                                      
    Mais le Paris de Louis XIII était toujours inscrit dans le périmètre des actuels Grands Boulevards: à l'ouest, Paris commençait au Jardin des Tuileries, les remparts suivaient l'actuelle rue Royale, puis les boulevards des Italiens, Poissonnière, Bonne-Nouvelle, St-Martin, puis le boulevard du Temple vers la Bastille jusqu'à la Seine vers le pont d'Austerlitz. En rive gauche, les remparts englobaient et longeaient le Jardin des Plantes, alors Jardins du Roi, puis les boulevards St-Marcel, de Port-Royal, de Montparnasse et des Invalides.

    A la suite de la Fronde (1652), les fortifications sont détruites au début du règne de Louis XIV, puis lorsqu'il est déjà installé à Versailles en 1702 et parce que la population de Paris s'est accrue, celui-ci délimite 20 nouveaux quartiers à l'intérieur de ce même périmètre auxquels sont annexés 14 faubourgs périphériques et deux villages (le Roule et Chaillot).

    1. Cité
    2. St-Jacques de la Boucherie
    3. Ste-Opportune
    4. Louvre / St-Germain l'Auxerrois
    5. Palais-Royal                                              et le Faubourg St-Honoré
    6. Montmartre                                              et les Faubourgs Richelieu et Montmartre
    7. St-Eustache
    8. Halles
    9. St-Denis                                                     et les Faubourgs St-Denis et St-Lazare
    10. St-Martin                                                   et les Faubourgs St-Martin et St-Laurent
    11. La Grève
    12. St Paul
    13. St Avoye / La Verrerie
    14. Temple /Marais                                       et le Faubourg du Temple
    15. St-Antoine                                                et le Faubourg St-Antoine
    16. Place Maubert                                          et les Faubourgs St-Victor et St-Marcel
    17. St-Benoit                                                   et le Faubourg St-Jacques
    18. St-André des Arts                                   
    19. Luxembourg                                             et le Faubourg St-Michel
    20. St-Germain des prés                               et le Faubourg St-Germain

     

    Ce découpage en 20 quartiers et 14 faubourgs sera conservé pendant près d'un siècle jusqu'à la Révolution(3).

     

     Les différents quartiers et l'extension de la ville de Paris

    Les quartiers de Paris du début du XVIIIe, d'après le plan de La Caille de 1714. (carte de Michel Huard)

     

    Pour télécharger le Plan général des 20 quartiers de la ville de Paris (Jean-Baptiste Scotin) 1742:

    Télécharger « Plan général des 20 quartiers de la ville et faubourgs de Paris par Jean-Baptiste Scotin"

     
    Cependant, de 1784 à 1790, un mur dit "des Fermiers Généraux" de 3 mètres de haut fut construit en périphérie des Faubourgs afin de percevoir des taxes, des octrois sur les marchandises entrant dans Paris. Le mur était doublé à l'extérieur d'un boulevard de 30m de large qui correspond maintenant à la seconde ceinture de boulevards qui va de l'Etoile à Nation par Denfert, place d'Italie, Montparnasse, Pigalle, Belleville, à peu près le parcours des lignes de métro n°2 et 6.
    Ce mur des Fermiers Généraux fut finalement détruit en 1860.

     

    Les différents quartiers et l'extension de la ville de Paris

    Plan de Paris de 1780, mur des Fermiers-Généraux" (A.M. Perrot)

     

     

     

     Sources et notes:

    (1) Busson Didier, Paris ville antique, Ed du patrimoine, Paris 2001

    (2) Dany Sandron, Philippe Lorentz et Jacques Lebar photographe, Atlas de Paris au Moyen Âge. Parigramme, 2006.

    (3) Lacaille, Atlas des vingt quartiers de Paris, 1714

     

     


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